>À l’heure d’entrer dans sa septième
année et déjà dans le futur, la petite revue
graphique poursuit son chemin avec l’aide d’une nouvelle
équipe, plus jeune, plus forte, plus belle : Rachel Cazadamont,
Coco Tassel, Gaël Étienne et Alex Dimos vous
présentent, avec cette douzième livraison consacrée
à Yorgo Tloupas, leur premier numéro.
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La sonorité des mots recèle parfois de latentes collisions
de sens. Ainsi de Yorgo : si ce nom résonna pour la
première fois à nos oreilles avec
l’élégance un peu brutale d’une marque sixties
de bulldozers yougoslaves, c’est finalement ici celui d’un
jeune graphiste déjà très présent,
véritable petit Miura depuis peu lancé à
l’assaut de la forme juste dans la petite arène du
graphisme parisien. Né il y a tout juste un quart de
siècle, diplômé de l’E.S.A.G. (École
Supérieure des Arts Graphiques) de Paris il y a seulement deux
ans, Yorgo Tloupas progresse vite et frappe fort, exploitant
indifféremment, mais sans commettre pour l’instant la
moindre faute de goût, les avantages comme les failles des
différents circuits et réseaux qu’il entend
pénétrer, ceux par exemple de la mode, de la culture, des
multinationales ou encore de la musique électronique.
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Hédoniste réactif, agile et habilement sociable
(zélateur convaincu du pointu concept de
«transversalité» cher à ses amis de Crash
Magazine, comme il aime à le souligner lui-même avec
humour) bien que forcené individualiste par moments, il
impressionne par sa précoce maturité, l’assurance de
ses choix visuels et le degré d’exigence qui marque
beaucoup de ses travaux. Il séduit aussi, par sa culture hybride,
l’inimitable mélange de drôlerie et de pertinence qui
imprègne ses références. Cet éclectisme
revendiqué et pragmatique, assez symbolique de l’attitude
décomplexée qu’adoptent les designers de sa
génération envers les étiquettes et
catégories, se convertit sur le papier en un minimalisme
dénué de sécheresse, étonnant de souplesse
malgré l’apparente austérité, fixant dans la
glace abstraite de son épure une myriade scintillante de
micro-détails qui tuent. Au travers surtout de son excitant
travail de direction artistique pour Crash, mais aussi dans des dessins
de logotypes remarquables de finesse classique, ou encore dans ses
photographies et illustrations, deux disciplines qu’il pratique en
réel professionnel, Yorgo construit, l’air de ne pas y
toucher, un univers particulier, une sorte de très paradoxal,
parce qu’atemporel, condensé de l’air du temps, un
graphisme en forme d’avion furtif ou de virus informatique
intelligent, qui semble prêt à s’interfacer
dès aujourd’hui, en douceur, avec des pans de notre futur.
Bienvenue en 2000™*.
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